« Voilà ce que je pense, dit-elle, le paradis n’existe pas, mais existe sa représentation, et elle ajouta : vraiment, c’est champion, l’inexistence du paradis qui, grâce à toi, hop, naît sous la lettre et l’occurrence du pinceau ! Nous finirons, j’en suis certaine, par entrer carrément dans ce jardin avec nos gros sabots, qui laisseront, tu peux me croire, nos marques de pas ! »
Alors oui, l’Eden ! l’Eden représenté, exprimé haut et fort, ainsi que son destin d’impossibilité, quoique son expression ne lâche rien sur le tableau ni sur le descriptif incessant, qui tourne certes à la nostalgie, mais s’oppose et résiste, comme une existence en dur à part entière, voilà ce qu’il en est. Il y a la face lumineuse et permanente de l’Eden, et l’autre, pas forcément sombre ni noire, mais qui s’impose comme l’évidence de la chair et des os, même si ceux-ci ne sont pas du côté du mal, du péché, cette face étant, disons, du côté, pas loin d’être lumineux, lui aussi, de la vie foisonnante, grouillante, pléthorique, qui n’a que faire de l’image fixe du paradis, qui donne pourtant le ton, fort et appuyé. L’expression, même dans le prosaïsme du quotidien, arrive en un contrepoint, contrant ou léchant la « représentation » pure d’un paradis n’existant que par sa présence en toutes lettres et images, mais quand même.
Jacques Lacolley
Decembre 2022